À travers les déserts
Couleurs automnales et arrivée dans le monde du grès
Les forêts tournent au jaune, orange et rouge, les premiers orages hivernaux s’annoncent… il est temps de se diriger vers le sud, vers cet univers qui nous est inconnu : le désert. De l’autre côté de la chaîne de montagne du Wasatch se trouve le monde du grès, des fissures, des tours, des arches… Nous pédalons à plus de 3’000m et plongeons dans ce nouvel univers, l’orage derrière nous, les paysages plus secs devant nous. À peine nous faisons une petite pause, les gouttes nous rattrapent, les éclairs se rapprochent, nous poussant à pédaler un peu plus vite, avec l’espoir de rester au sec. Nous arrivons à Joe’s Valley, un paradis du bloc. Les formations de grès se dessinent devant nous, toutes plus improbables et structurées les unes que les autres. Les propriétaires du Food Ranch nous aident en nous apportant des crash pad (tapis pour amortir les chutes lors de la pratique du bloc) et nous offrant une douche chaude. La pluie qui a commencé la veille s’est décidée à continuer, toujours et encore, pendant des heures, quelques jours… Qui a dit que le désert était sec ? Nous passons 2 journées dans notre tente, sortons lors de petites accalmies regarder les blocs, les lignes, puis retournons sous notre petit abri.
Lorsque le soleil fait son apparition, il faut toujours attendre : le grès a besoin de 24 à 48 heures pour sécher. Mais une fois l’attente terminée, un paradis s’offre à nous : les voies sont incroyables et nous passons une semaine à grimper ces différents blocs. Le bloc, c’est court, c’est intense, ça peut faire que 2m de haut mais être bien difficile, ça peut aussi être plus haut, bien haut, nous faire des frissons, c’est aussi ludique, très sociale, on s’échange les méthodes, on essaie jours après jours le même mouvement, on l’adapte, puis on réussit… ou pas ! On se contente de petits progrès, peut-être si petits que seul le grimpeur peut les remarquer. On rigole beaucoup aussi, passe de bons moments sur les crashs pads, ces tapis qui servent à amortir nos chutes durant la journée ou à s’asseoir de manière confortable lors des soirées au campement.
Moab et ses tours
Nous pédalons à nouveau direction Moab, avec une grande ration d’eau : dès maintenant, nous aurons encore moins accès à de l’eau. Et lorsque nous croisons l’une des principales rivières, le Colorado ou la Green River, l’eau contient trop de sable pour utiliser notre filtre. Nous rentrons dans le canyon du San Raphael Swell, une magnifique région désertique encore bien préservée du tourisme, pleine de pictographies. Les paysages rouges nous donnent l’impression d’être sur une autre planète, ou comme l’a si bien dit un employé du magasin de sport de Moab : c’est comme sur Mars, mais avec plus d’atmosphère.
Nous restons une semaine dans la région de Moab, grimpons nos premières voies en trad sur le grès américain à Wall Street, le long de la rivière du Colorado, avant de prendre la direction de Castleton Tower et des Fisher’s Towers. Nous grimpons ces deux tours, avec en bonus des vues époustouflantes au sommet. Grimper une tour au milieu du désert, c’est quand même un rêve qui devient réalité !
Sur le chemin pour aller à Indian Creek, nous nous arrêtons pour mettre la tente proche d’une arche et nous avons l’opportunité de croiser des grimpeurs qui nous installent un swing. Quel beau baptême !
Monticello et Indian Creek
Durant l’été dernier, l’un de nos sponsors, Norrona, a écrit un article avec les membres de son Content Team, ce qui nous a permis d’être en contact avec Dustin et Nathalie, qui nous ont invité chez eux si nous passons dans la région d’Indian Creek. Ils habitent un petit village tout proche de cette vallée tant renommée mondialement pour l’escalade sur fissure. Quelques jours avant notre arrivée, nous apprenons avec la grande tristesse que le papa de Dustin est parti rejoindre les cieux. C’était un cowboy en Utah, et probablement le cowboy de l’univers maintenant ! Dustin et Nathalie nous proposent de rester malgré cette tragédie et sont heureux que nous puissions leur apporter de la distraction en ces temps difficiles. Nous essayons du mieux que possible de les aider et nous apprenons non seulement à connaître Dustin, Nathalie et leur fils Roman, mais toute leur famille. Nous ferons des pancakes pour plus de 20 enfants, transporterons les 40 fusils que détenait le papa de Dustin… Finalement, nous nous retrouverons même à l’arrière du Pickup de Dustin à une station-service avec deux gros fusils entre les mains, avant d’aller tirer et faire un grand feu en l’honneur du Cowboy Randall.
Avant de descendre dans la vallée d’Indian Creek, nous faisons un tour à vélo avec Dustin, Nathalie et Roman. Dustin nous amènera le « Bothy Wagon » dans la Creek, un wagon tout rénové pour y dormir, avec un four à bois à l’intérieur. Ce sera le luxe pour nous de pouvoir y passer les soirées et dormir au chaud. Dans les déserts, à peine le soleil se couche que les températures chutent brutalement. Les nuits sont glaciales, mais nous sommes au paradis dans cette petite remorque.
La journée, nous découvrons les fissures d’Indian Creek, celles dont tout le monde parle. Grimper aux Etats-Unis sans faire de la fissure n’était pas une option pour nous. Nous décidons donc de prendre le temps pour apprendre ces techniques que nous ne connaissons que très peu, ou devrions-nous plutôt dire apprendre à gérer la douleur ? Jours après jours, nous cherchons les fissures appelées splitters, qui sont dépourvues de prises à l’extérieur de ces dernières. De cette manière, nous ne pouvons pas tricher : tout doit aller se coincer dans la fissure (nous sommes européens, il est donc normal que sinon, nous allons toujours choisir la plus petite prise possible à serrer plutôt que de se coincer). C’est dur, nous devons apprendre les bases, faisons d’énormes chutes… Nous n’arrivons pas à trouver le flow, à danser comme en escalade sportive, mais nous continuons chaque jour, en nous disant : ça viendra, ça prendra du temps, mais un jour, nous aurons ce flow ! Après quelques jours, nous sommes capables de mieux bouger, de coincer nos mains, nos doigts, nous poignets, nos jambes, notre corps… Mais finalement, nous ne trouvons toujours pas ce flow… En revanche, nous avons beaucoup appris et nous sommes sûrs que ces techniques nous aideront à être de meilleurs grimpeurs. Nous avons aussi rencontré de magnifiques personnes, des fanatiques de la fissure, et vu des paysages époustouflants. Les fissures sont très attirantes, très esthétiques, elles crient : grimpe-moi ! Mais pour être honnête, nous étions heureux de quitter cet endroit pour aller en direction d’autres styles d’escalade, ou toujours de fissures, mais avec des possibilités de mettre par ci par là des pieds en dehors ou serrer quelques petites prises. On nous l’avait dit : la première fois que tu vas à Indian Creek, tu apprécies peu, mais une fois que tu en pars, tu as envie de revenir et la deuxième fois, tu apprécieras. Pour l’instant, cette phrase est juste, car nous étions heureux de partir, mais l’idée de se coincer à nouveau dans ces fissures commence à nouveau à nous trotter dans la tête. Affaire à suivre !
Depuis que nous sommes arrivés à la Creek, il a déjà neigé deux fois. L’hiver se fait ressentir et la météo n’est pas aussi bonne qu’habituellement en cette période de l’année. Après la neige, nous attendons à chaque fois que les fissures sèchent avant de pouvoir regrimper. Juste avant la 3ᵉ tempête hivernale, nous décidons de reprendre la route direction St.-Georges.
Le 1er novembre, nous disons au revoir à la famille Randall à Monticello et pédalons direction Blanding et Hanksville. Nous visitons des ruines de l’époque de Anasazi, une civilisation datant de 1’300 a J.C. Nous faisons également un stop à Natural Bridges, une belle marche à Capitol Reef et un essai pour traverser le Slot Canyon (Canyon très petit dessiné par l’eau) Zebra. L’entrée était bouchée par l’eau, mais nous avons eu un petit aperçu depuis l’extérieur, avant de nous laisser pousser par le vent direction Bryce Canyon.
Les températures descendent et nous nous retrouvons sous la neige, entourés de rouge et blanc. Avec des journées à -12° et des nuits bien plus fraiches, nous retrouvons de la chaleur en perdant de l’altitude direction St.-George.
Les températures restent fraiches et nous pouvons rester quelques jours chez la famille Purdy à Santa Clara. Nous allons grimper au soleil à Turtle Rock, Chuckawalla, Black Rock et Zen Wall, avant qu’Arline ait rendez-vous chez le dentiste pour enlever les racines restantes d’une de ses dents de sagesse. Nous avons de la chance de pouvoir rester chez les grands-parents de Dustin pour qu’Arline puisse récupérer. Ce couple qui a plus de 90 ans a toujours une forme incroyable (Wayne a 3 manuscrits en attente de publication).
Dès qu’Arline a récupéré, nous prenons la direction du Snow Canyon pour aller faire une magnifique longue voie et marcher à travers ce beau parc. Pendant ce temps, nous recherchons une solution de rejoindre Las Vegas. La route principale étant interdite et trop dangereuse à vélo et les détours possibles prenant plusieurs jours, nous nous décidons à descendre avec la tante de Dustin, Lavinia. C’est contre nos principes de mettre nos vélos dans une voiture, mais après réflexion, c’est la seule option qui s’offre à nous si nous voulons rester en sécurité et avoir suffisamment de temps pour grimper avant l’expiration de notre visa.
Avec le changement d’horaire en arrivant au Nevada, il fait déjà nuit à 17h. Nous nous levons donc tôt pour profiter le plus longtemps possible du jours. Red Rocks est connu pour ses longues voies, mais la motivation à se lever de nuit pour faire l’accès à vélo / pieds par un froid glaciale est difficile. Nous choisissons donc de faire surtout de l’escalade sportive. Les structures et prises sont vraiment incroyables, et nous pouvons rester au soleil ou chercher un peu d’ombre lorsque nous le voulons.
Nous avons déjà aperçu les premier Joshua Trees (arbres poussant uniquement dans le désert de Mojave) à Red Rocks, mais ce qui nous attendais pour rejoindre le parc national de Joshua Tree était incomparable. Nous traversons Sandy Valley et le désert de Mojave à travers des champs de Joshua Trees. Tout à l’air plat, mais ce n’est qu’une illusion, ces longs plateaux montent constamment. Après 5 jours, nous arrivons à 29 Palms où nous rencontrons deux amis valaisans : Sylvain et Claude. Nous grimpons avec eux à Joshua Tree quelques jours. C’est bien pour le bloc, l’escalade sportive et l’escalade traditionnelle. L’éthique est très ancienne et les points souvent très éloignés. Parfois, il n’y a pas de relais et il faut désescalader pour redescendre, ce qui pimente un peu la grimpe, mais nous aimons beaucoup l’endroit. Nos visas expirant tout soudain, nous rejoignons Palm Springs, paquetons nos vélos avant de passer 48 heures dans les transports publics pour rejoindre Monterrey, au Mexique. En attendant le train, nous nous ferons expulsé d’un parc par la sécurité qui nous a pris pour des sans abris avec tous nos bagages. Impossible de les convaincre que nous voyageons et que nous n’avons pas l’intention de camper dans le parc. Deux jours plus tard, nous arrivons au Mexique et dégustons nos premiers tacos. Il est temps de découvrir ce magnifique pays avant une transatlantique à la voile pour rejoindre l’Europe et se rapprocher de la maison !
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